Technologie et Science

Explorer l’univers depuis sa cour arrière (ou presque) – The Conversation


Durant mes années collégiales, j’ai travaillé à l’Observatoire astronomique de Charlevoix.

Pas si mal, comme emploi d’été : observer les planètes et les étoiles jusqu’au milieu de la nuit, discuter d’exploration spatiale avec des mordus d’astronomie, voir des enfants s’émerveiller des anneaux de Saturne.

Parmi les dizaines de nuits d’astronomie que j’ai animées, une question revenait irrévocablement :

« Est-ce qu’il y a de la vie ailleurs ? »

C’était un gros mandat, pour le cégépien que j’étais, de répondre à cette question fondamentale, articulée par les premiers philosophes, qui a transcendé le temps et les époques et qui demeure au cœur de nos réflexions rationnelles.

Je me contentais d’un simple « fort probablement », avant de renchérir avec un surprenant « et si c’est le cas, la réponse se cache ici, sur Terre, à des endroits qu’on appelle des « analogues planétaires ».

Les analogues planétaires sont des endroits sur Terre qui répliquent une ou plusieurs conditions extrêmes retrouvées sur un autre corps céleste. Par exemple, la température, la pression et la radiation solaire.

Pour des raisons techniques et financières, il n’est pas réaliste d’effectuer plusieurs missions spatiales par année, habitées ou non, d’autant plus que celles-ci s’exécutent en plusieurs années.

Or, la Terre, notre magnifique planète bleue où la vie prospère, possède des endroits extrêmes, dangereux, cruels. Ces endroits peuvent reproduire certaines conditions que l’on retrouverait dans les déserts arides de Mars ou dans l’atmosphère suffocante de Vénus.

Et si ces endroits étaient en fait des habitats, où la vie s’est développée ?

Des lacs sous la glace

Prenons l’exemple d’Europe, l’une des lunes de Jupiter, qui figure au sommet des candidates, avec Mars, dans notre quête à la vie extraterrestre. Sa surface est couverte d’une épaisse couche de glace d’environ 10 kilomètres, sous laquelle se trouve… un océan. Un océan d’eau… liquide !

Il s’avère qu’en Antarctique, près de 400 lacs existent dans des conditions similaires, c’est-à-dire qu’ils se trouvent en dessous d’une couche de glace permanente, protégés de tout ce qui se déroule à la surface. On les appelle des lacs « sous-glaciaires ».

C’est le cas du lac Vostok, le plus gros et le plus profond en Antarctique. C’est dans les années 60 que les scientifiques ont soupçonné la présence d’un lac sous une épaisse couche de quatre kilomètres de glace.

Cette barrière glacée prive le lac d’échanges gazeux avec l’atmosphère, d’exposition à la radiation solaire et en fait un endroit sombre en permanence, pauvre en nutriments en plus de subir des pressions énormes. Pas très hospitalier !

Cependant, l’eau à la surface du lac est concentrée en oxygène, l’élément chimique clé pour le métabolisme vivant.

Le lac sous-glaciaire Vostok (Antarctique) est situé sous quatre kilomètres de glace.
Wikimedia

Un amour pour les conditions extrêmes

En 2008, des analyses de la glace qui recouvre Vostok ont révélé la présence de micro-organismes ! C’est alors possible, pour la vie, de s’adapter dans des environnements hostiles qui seraient fatals pour la majorité des organismes. Ces superorganismes, ou organismes « extrêmophiles », sont capables de tolérer ces conditions extrêmes.

Par conséquent, les eaux de Vostok, isolées de la surface terrestre depuis des millions d’années, pourraient bien contenir de la vie également. Un analogue planétaire idéal !

Étudier le lac Vostok, et ses possibles formes de vie extrêmophiles, c’est presque comme être sur Europe, la lune de Jupiter. Et c’est presque comme étudier son océan. Si le lac Vostok a pu développer de la vie, la question est légitime : pourquoi pas l’océan d’Europe aussi ?

Les lacs sous-glaciaires comme Vostok sont un exemple parmi les dizaines de sites d’analogues planétaires répertoriés. Par exemple, afin d’étudier certains cratères martiens, les déserts terriens sont les terrains de jeux parfaits ! Les scientifiques explorent les déserts Mojave (aux États-Unis), Atacama (Chili) et Namib (en Afrique), qui sont secs et arides. Leur sol contient également des extrêmophiles, dont l’étude nous informe sur le développement de la vie dans des environnements chauds, où l’eau est limitée.

désert Mojave

Le sol du désert Mojave contient des organismes extrêmophiles.
(Shutterstock)

Préparer les missions spatiales sur Terre

Outre une compréhension sur la vie et son émergence, investiguer les analogues planétaires revêt un autre avantage : préparer et simuler des missions spatiales.

Imaginez – si on développe une nouvelle technologie pour échantillonner une roche sur Mars, il serait d’abord sage de la tester avant, n’est-ce pas ? Et pas seulement à l’intérieur de studios à la NASA, où les paramètres sont contrôlés. Il faut se rendre à l’extérieur, en régions éloignées, peu confortables.

C’est ce que faisaient les astronautes des programmes Apollo dans les années 50 et 60 (ceux qui visaient la Lune). Ils allaient dans des cratères d’impact de météorite, dans des volcans, dans des déserts, partout sur Terre, durant des mois. Tout ça pour pratiquer leurs techniques avec divers outils adaptés, le tout ralenti par leur combinaison spatiale.

Les astronautes Dave Scott (gauche) et Jim Irwin (droite) pratiquent l’échantillonnage de roches pour une éventuelle mission sur la Lune en 1971.
Le livre Analogs for Planetary Exploration (2011)

Tout commence sur Terre

L’exploration spatiale et la compréhension de notre Système solaire commencent sur Terre. D’abord contre-intuitive, cette idée est en fait riche de sens lorsqu’on pense aux environnements éloignés, quasi inaccessibles et extrêmes que notre planète renferme.

C’est de cette manière qu’ont émergé l’astrochimie et l’astrobiologie, des domaines multidisciplinaires qui nous outillent dans nos recherches sur l’évolution de la Terre et de la vie.

Maintenant, si on me reposait la question « Est-ce qu’il y a de la vie ailleurs ? », moi, toujours naïf, mais qui commence son doctorat en chimie des milieux polaires extrêmes, répondrait :

Je t’en reparle dans 5 ans !

Blague à part, les analogues possèdent leurs limites dans la mesure où les conditions ne seront jamais recréées en totalité ni entièrement. Par conséquent, les scientifiques doivent être prudents dans leur démarche et éviter les conclusions hâtives.

De la vie dans Vostok n’est pas synonyme de vie sur Europe, loin de là. Disons néanmoins que c’est une excellente première étape qui nous aide énormément à orienter les prochaines missions.



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Theo Lefevre

Dans le vaste océan du cyberespace, je suis Théo Lefèvre, un Journaliste Web captivé par les histoires qui se tissent à travers les fils numériques. Mon parcours à l'Université Américaine de Paris a façonné ma plume, tandis que mes curiosités se dévoilent à travers la science et la technologie, le monde des affaires, et l'athlétisme. Porté par mon passé de passionné de sport et d'économie, chaque article que je compose est un reflet transparent de mon engagement envers l'authenticité. Joignez-vous à moi pour explorer les méandres de l'innovation scientifique, les intrications du monde des affaires et les défis du terrain d'athlétisme, tout en partageant un voyage honnête et stimulant à travers mes écrits.

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