« Je ne vois pas d’autre favori que Paris » : Rolland Courbis, 70 ans … – Le Parisien

Le foot est sa vie et il mène toujours une vie de foot. Rolland Courbis, ancien joueur, puis entraîneur pendant plus de 30 ans, à Toulon, Bordeaux, Marseille et Montpellier notamment, est intarissable en matière de ballon rond. A la veille de souffler ses 70 bougies, ce personnage incontournable du paysage footballistique hexagonal, consultant RMC, nous a parlé beaucoup de foot et un peu de lui aussi.
Vous aurez 70 ans samedi. « 70 », qu’est-ce que ça vous évoque ?
ROLLAND COURBIS. Le chiffre « 7 » a toujours été un mauvais chiffre dans ma vie. J’ai eu un grave accident de vélo le 7 juillet, à l’âge de 7 ans, 7-7-7… Dans ma famille, il y eu beaucoup de problèmes de santé, d’accidents, de décès au mois de juillet. Chez nous, le réveillon n’est pas le 31 décembre mais le 31 juillet, quand on passe à août. Peut-être s’agit-il d’une famille de superstitieux, mais je fais des constats bien réels…
Quelle lecture faites-vous du bras de fer qui oppose le PSG à Kylian Mbappé ?
Quand on a dit et répété à Kylian Mbappé qu’il ne partirait jamais libre, ça signifiait que son contrat était tellement élevé que, à un an de la fin du contrat en question, soit il prolongerait, soit il partirait en étant transféré. À la limite, il lui faut prolonger un an, en discutant d’une clause libératoire pour 2024 (un dispositif répandu en Europe mais interdit en France). Mais comment a-t-il pu penser une seconde que l’Émir n’allait pas réagir face à cette nouvelle catastrophique pour le Qatar ? Si j’étais l’Émir, j’aurais exactement la même réaction que la sienne. Et si j’étais dans le clan Mbappé, je me dirais qu’on n’a pas réalisé à quel point on a exagéré. Et qu’à tête reposée, je suis disposé à revoir un peu ma position…
Cette saison, pensez-vous que le PSG va souffrir en Ligue 1 face à la concurrence ?
Je ne peux pas répondre avant le 31 août. Déjà, j’ai envie de voir comment le problème Mbappé va être réglé. Avec l’effectif de la saison dernière et de la précédente, je ne sais pas si le PSG aurait été champion sans Mbappé. Mais d’un autre côté, même sans Mbappé, Paris ne va pas jouer à 10. Cette année, il leur faut impérativement d’un n° 9 de métier. J’attends de voir également ce qu’il va advenir de cette inquiétante liste de joueurs régulièrement blessés. Malgré cela, il y a les possibilités financières pour reconstruire tout un groupe. Alors oui, le PSG continuera à exister sans Mbappé. Si le PSG n’est pas champion, il faut identifier trois clubs susceptibles de l’être. Moi, je ne les ai pas, même pas un. Je ne vois pas d’autre favori que Paris.
Et l’OM ?
Je n’en suis pas sûr. Il y a pas mal de points d’interrogation. Un Alexis Sanchez ne se remplace pas aussi facilement que ça. Le gardien de but m’inquiète. Quant à l’organisation avec quatre défenseurs, deux relayeurs-récupérateurs et quatre joueurs offensifs, ça passe pour un 4-4-2 mais moi, j’appelle ça un 4-2-4. Et penser gagner la bataille du milieu, déterminante aujourd’hui, avec un 4-2-4, il faudra qu’on m’explique comment.
Lens ou Rennes ne peuvent-ils titiller Paris ?
Pour cela, il faudrait une équipe qui puisse se reposer les mardis, mercredi et jeudi, comme l’a fait Lens la saison dernière. À deux trois points près, Lens aurait pu être champion, sans une expulsion sévère au Parc des Princes notamment. On aurait applaudi les Lensois, tout en soulignant qu’ils étaient devant la télé les soirs de Coupe d’Europe. Rennes va être en Ligue Europa le jeudi et c’est la pire des choses au regard du match du dimanche. Si malgré cela, ils arrivent à jouer le titre, chapeau.
Comment se porte l’ancien footballeur que vous êtes ?
J’ai la chance d’avoir accompagné le football, et réciproquement, depuis l’âge de 8 ans. Prochainement, j’apparaîtrai dans un documentaire et dans une série où j’expliquerai tout ça de A à Z. Heureusement que j’ai eu ça et que je l’ai encore aujourd’hui. Je ne me sens plus la patience pour être entraîneur de haut niveau. Mais donner un coup de main comme je l’ai fait dernièrement à Sète ou aujourd’hui à Cholet, oui.
En quoi consiste votre action à Cholet ?
Voilà quelques années, on m’a présenté un gars spécial et attachant, Benjamin Erisoglu, qui dirige l’entreprise Technitoit et se trouve être le président de Cholet, en National. La saison dernière, à trois journées de la fin, Cholet s’est retrouvé mal embarqué dans un championnat à six descentes. J’ai donné un coup de main avec plaisir, sans me mêler de composition d’équipe. Ils se sont maintenus et cet été, j’y suis allé dix jours pendant mes vacances. Ces 40 dernières années, j’ai aidé à la construction d’un effectif à l’intersaison. Je pense avoir quelques compétences en la matière. Au fil du temps, j’ai établi toute une liste de détails, lesquels additionnés les uns aux autres, peuvent faire la différence. Modestie mise à part, je peux faire gagner 20 à 25 ans à un entraîneur.
Aujourd’hui, que dire de votre passion pour le foot ?
La passion est intacte à 101%, c’est la patience qui n’y est plus. Le sprint final, apporter quelques détails sur les quatre-cinq derniers matchs, oui. Mais je ne m’imagine plus discuter en tête à tête avec une trentaine de joueurs, gérer un staff. Ensuite, il y a l’entourage des joueurs, la famille parfois, dont certains membres négligent le fait qu’agent est un métier et essaient de grignoter un peu de l’argent du petit prodige de la famille. Il y a les coups de fil incessants: « Titulaire ou non? », « Doit-il rester ou partir? » Pour ces trucs, je n’ai plus la patience et je ne l’aurai plus. La passion, je l’aurai toujours.
De tout votre parcours, quel est le plus grand regret?
En 31 ans de carrière d’entraîneur, à un moment, j’ai fait le choix de retourner à Marseille où j’avais débuté en tant que joueur. Têtu comme je suis, j’ai voulu démontrer qu’on pouvait être prophète en son pays. Par un concours de circonstances, le titre (1999) nous a échappé pour un point en faveur de Bordeaux, club dont j’avais contribué à construire 80 % de l’effectif, en changeant de poste plusieurs joueurs : Grenet, Pavon, Wiltord, Laslandes, Micoud, etc… C’est le regret de ma carrière. Avec une finale de Coupe UEFA (3-0 face à Parme) et une 2e place en championnat, on aurait reçu des louanges aujourd’hui. Moi, non. A mon avis, j’ai souvent été traité injustement et j’essaierai de le démontrer dans mon documentaire.
Aujourd’hui, quelle est votre compétition préférée ?
Difficile de trouver mieux que la « Champions’ League », à partir des huitièmes de finale, même si c’est déjà passionnant en poules. Je suis toujours en cours de réflexion quant à l’opportunité d’avoir supprimer le but à l’extérieur comptant double en cas d’égalité. Le point positif, c’est quand même qu’on augmente la probabilité d’une prolongation, qui génère des recettes publicitaires en plus. C’est aussi plus de chance d’avoir une séance de tirs au but, un moment toujours passionnant et indécis. Ce qui m’inquiète, c’est que ça n’ait pas gêné pendant plus de 50 ans. Je me dis : « P…, nous, quand on réfléchit à changer un point de règlement, on fait pas semblant… »
Que pensez-vous de l’incroyable mercato réalisé par l’Arabie saoudite ?
Comme tout le monde, je vais suivre les résultats, notamment ceux de l’équipe de Ronaldo, Al-Nassr, qui a récupéré N’Golo Kanté, Sadio Mané et Seko Fofana. Leur idée est d’organiser la Coupe du monde en 2030 et, d’ici-là, d’augmenter le niveau des principales équipes pour aboutir à un championnat relevé. Assez bonne idée, ma foi. Cela étant, en 2030, j’aurai 77 ans. Deux « 7 » ! Si je suis encore de ce monde, je me commanderai un scaphandre.