Deux requins prélevés en Floride rejoignent l’aquarium de Canet-en … – France Bleu

Derrière l’immense vitre de la salle des requins de l’aquarium Oniria, les visiteurs sont captivés. Devant eux, des requins à pointe noire, des requins gris dont quatre bébés, et désormais deux requins taureau. Cette espèce impressionne. Les squales nagent continuellement la bouche ouverte pour mieux respirer et faire entrer un maximum d’eau dans leurs branchies. Une posture qui laisse apparaître l’intégralité de leurs dents aiguisés, sur trois rangées, et leur confère un air agressif.
Pour autant, ils sont inoffensifs, rassure Eric Clua, professeur à l’Ecole pratique des hautes études, spécialiste des requins. “Ca leur donne un air agressif, alors que ce requin se nourrit exclusivement de poissons et de calamars. Donc il ne représente aucun danger pour l’Homme… à part si on s’amuse à l’embêter, qu’on va lui tirer la queue, alors là il peut y avoir une morsure de défense, ce qui est tout à faire naturel”, précise-t-il.
Oniria
Dans son habitat naturel, en Australie mais aussi sur les côtes états-uniennes par exemple, ce squale a longtemps été chassé car c’est un requin côtier qui fait peur. Son espèce est aujourd’hui menacée, également du fait du marché florissant pour les ailerons de requins. Conséquence directe : “Il est présent un peu partout mais en très faible quantité” détaille Eric Clua, qui précise qu’il reste difficile de faire un recensement précis dans la profondeur des océans.
En juin 2003, deux requins taureau ont donc été prélevés au large de la Floride selon des quotas stricts de prélèvement, puis acclimatés en bassin afin de rejoindre le programme de protection de l’aquarium de Canet-en-Roussillon. Baptisés Diablesse et Féroce par l’équipe d’Oniria, ces squales sont âgés de 2 à 4 ans et pourraient vivre encore trente ans s’ils atteignaient leur longévité maximale.
Faire naître des requineaux
Avant d’arriver jusqu’à Canet-en-Roussillon, ils ont d’abord pris l’avion pour rejoindre la capitale française, puis un semi-remorque a conduit les deux requins dans la nuit de jeudi 10 à vendredi 11 août 2023 jusqu’au sud de la France. Une logistique impressionnante a été mobilisée, avec de nombreux spécialistes pour maintenir les squales dans des conditions optimales. A leur arrivée, vers minuit, ils ont été directement introduits dans le plus grand bassin de l’aquarium Oniria et présentés dès le lendemain matin au public.
Objectif désormais : faire naître de petits requineaux. Le programme prévoit en effet la reproduction de ce couple de requins taureau. La tâche s’annonce néanmoins complexe. Bien que le mâle possède deux appareils reproducteurs, cette espèce est victime d’oophagie, c’est-à-dire qu’aussitôt éclos, les premiers petits s’empressent de dévorer les autres œufs. Le phénomène fait donc diminuer le nombre de naissances de requineaux.
Mais Eric Clua, est optimiste. En tant que comportementaliste, il veille au grain sur ces deux nouveaux protégés. “Ils ne montrent aucun signe de stress ni d’agressivité à l’égard des autres espèces de requins présentes dans le bassin. Les conditions semblent optimales pour qu’ils soient heureux et pourquoi pas, qu’ils se reproduisent” confie-t-il, sourire aux lèvres.
Préservation et recherches scientifiques
Le but de l’opération est aussi scientifique. “L’intérêt c’est de faire un traçage génétique des individus”, explique le spécialiste. En frottant la peau d’un requin, les experts du Criobe, le Centre de recherche insulaire et observatoire de la biodiversité et de l’environnement, sont capables de séquencer ses gênes et donc de l’identifier. Une prouesse très utile dans le comptage des espèces.
La captivité de Diablesse et Oniria permettra “d’avoir de meilleurs résultats scientifiques lors des prélèvements dans la nature” s’enthousiasme Patrick Masanet, directeur scientifique d’Oniria. Un passage obligé d’après Eric Clua : “Plus une espèce est en danger, plus on a intérêt à en garder sous protection et c’est ce que fait Oniria”.