Affaire Pierre Palmade : seringues, commande de drogues … – Le Parisien

Dans la nuit noire de Cély-en-Bière (Seine-et-Marne), petit village de 1 200 habitants niché au cœur de la forêt de Fontainebleau, un gros van G7 s’arrête devant le portail beige d’une demeure de pierres blanches. À son bord, Pierre Palmade, Mohcine, « un copain qui est un sexfriend » de l’humoriste, et Andréa, un transsexuel connu des nuits parisiennes.
Il est entre 5 et 6 heures du matin ce 10 février 2023 et les trois amis ont décidé de quitter le domicile parisien du comédien de 55 ans pour se rendre dans sa maison de campagne. « Le jeudi 9 février, vers 20 heures, Palmade m’envoie un texto et me demande de venir rapidement chez lui », rembobine Mohcine devant les enquêteurs qui l’entendent en garde à vue à la suite de l’accident de voiture du comédien. Une collision qui a blessé gravement trois personnes, dont une femme enceinte de 7 mois qui a perdu son bébé, et qui vaut à Pierre Palmade une mise en examen pour homicide involontaire.
« J’arrive chez lui à 20h30 et il me signale qu’il a pris un escort, et qu’il souhaite que je le fasse partir de son domicile, raconte Mohcine. À minuit, Andréa est arrivé. » Mohcine sort acheter une bouteille de champagne et du Get 27, puis les trois amis commandent un taxi sur le compte de Pierre Palmade.
La 3MMC, une drogue de synthèse au cœur d’une nuit de débauche
Ils prennent la route de Cély-en-Bière, vers cette demeure achetée cinq ans plus tôt par l’humoriste. « La campagne n’est pas un lieu pour faire la fête, affirme pourtant Pierre Palmade aux enquêteurs le 16 février depuis son lit d’hôpital. Cette maison était essentiellement réservée au repos, c’était un coup de folie de venir s’y droguer. » Il avoue sans fard à la juge consommer de la cocaïne « depuis l’âge de 20 ans » et s’être mis depuis deux ans à la 3MMC, un produit qu’il décrit comme une « drogue de synthèse pour augmenter la libido et le désir sexuel ». « Il faut que mon rapport à la drogue soit résolu, que la drogue soit bannie de ma vie, poursuit-il. Je suis dangereux à cause de la drogue. »
Mais dans cette nuit du 9 au 10 février, Pierre Palmade n’a plus vraiment toute sa lucidité — au point qu’il est convaincu d’être arrivé à Cély-en-Bière vers midi. L’acteur en est à son « troisième jour de fête » et touche ses « limites ». Alors il demande à Mohcine de « ramener ce qu’il faut » à la campagne. « Il sous-entendait prendre de la drogue, de l’alcool et des vêtements de femme, notamment des collants que j’ai mis dans une valise noire, se souvient le jeune homme. J’ai mis cinq grammes de cocaïne, cinq grammes de 3MMC et 20 ml de GHB. » De la drogue qui aurait été commandée par Pierre Palmade : « Il a fait venir un dealeur à 1 heure et il lui a remis 3 g de cocaïne. »
Les heures qui suivent, dans l’intimité de la maison de campagne, n’ont en effet rien de reposantes pour Pierre Palmade. Elles expliquent le fort de taux de drogue découvert dans le sang de l’humoriste après l’accident. Elles éclairent aussi sur les démons de l’acteur, qui raconte à la juge d’instruction comment il s’est noyé dans le chemsex, cette pratique mêlant prise de drogue et relations sexuelles. « Ça m’empêche de monter sur scène, depuis le 3MMC, même en faisant semblant, je ne peux plus le faire, je le pouvais avec la cocaïne. La 3MMC me rend complètement différent et le public m’a demandé d’arrêter… » Arrivés dans la nuit à Cély-en-Bière, les trois amis commencent par préparer une salade puis des œufs.
Après cette courte collation, « Palmade et Andréa sont allés dans la chambre de Palmade, raconte Mohcine aux enquêteurs. Palmade se fait injecter par Andréa de la 3MMC et Andréa s’injecte de la cocaïne… Pendant ce temps je continue de manger seul dans la cuisine. (…) De 6 heures du matin à 11h30, Palmade et Andréa se piquent à divers endroits dans la maison. »
Les trois hommes ont une relation sexuelle, et se retrouvent vite à court de seringues, essentielles pour s’injecter de la cocaïne ou de la 3MMC. Ils décident d’une première virée en direction de Perthes. Pierre Palmade prend le volant et va à la boulangerie. Pendant ce temps, son ami Mohcine va à la pharmacie « acheter avec ma carte les seringues parce qu’il ne voulait pas qu’on me voie acheter ce type de produits », selon le récit de l’humoriste.
« Entre midi et l’accident, il s’est piqué environ huit fois »
Moins d’une heure plus tard, Palmade et ses deux amis sont rejoints par Malik — Sambou de son vrai prénom. « Le but de Palmade est que Malik remplace Andréa, à savoir qu’il ait des rapports sexuels multiples et qu’il se drogue, assure Mohcine. Malik a le savoir et la connaissance d’injecter la 3MMC. » Le comédien souhaite alors le départ d’Andréa, furieux après que ce dernier « n’a pas payé ce qu’il a consommé », selon le récit fait par Malik aux policiers.
Pour donner une leçon au jeune transsexuel, Pierre Palmade et Mohcine « ont décidé de lui vendre de la farine ». Andréa parti, les trois hommes continuent leur consommation intensive de drogue. Avant tout, de la 3MMC pour Pierre Palmade. Selon Mohcine, « entre midi et l’accident, il s’est piqué environ huit fois ». La dernière injection de Pierre Palmade a lieu « environ 30 minutes avant » que le comédien ne prenne la voiture.
Il est environ 18h30. La nuit tombe sur Cély. Le réfrigérateur est vide. Plus rien à manger, plus rien à boire. Pierre Palmade décide d’aller faire des courses au centre commercial de Villiers-en-Bière. Mohcine est fatigué et Malik n’a pas tellement envie non plus de bouger, si ce n’est pour rentrer à Paris. Mais l’un comme l’autre acceptent finalement d’accompagner leur hôte qui leur a aussi promis de retirer de l’argent, « pour exciter la partie », dira-t-il au cours d’une de ses auditions.
« Il n’était pas en état de conduire »
Le trio se dirige vers la Peugeot 3008 garée devant la maison. « J’ai été inconscient de prendre la voiture sous stupéfiants. Habituellement, je suis prudent car mon père est décédé d’un accident de la route », expliquera quelques jours plus tard l’humoriste aux policiers. Mais, ce vendredi soir, il refuse pourtant de laisser le volant à Malik, qui assure lui avoir proposé à plusieurs reprises. « Il n’était pas en état de conduire », confirme Malik pendant sa garde à vue.
Ce dernier monte finalement sur le siège passager. Mohcine, lui, s’installe à l’arrière, derrière le siège passager. Preuve de l’état de Pierre Palmade à cet instant, dans ses souvenirs c’est Mohcine qui était à côté de lui. La 3008 démarre. Pour aller au centre commercial il y a 6 km dont une grande partie en ligne droite. Quelques secondes avant l’accident, le passage de la voiture devant une station-service est immortalisé par une caméra de vidéosurveillance. Les images permettent de distinguer qu’à cet instant déjà elle mord sur la ligne continue.
C’est sans doute au même moment qu’un SMS arrive sur le téléphone de Pierre Palmade. Il tend son téléphone à Malik et lui demande de le lire. Questionné par les enquêteurs sur le contenu du message, Malik répond : « C’est une commande qu’il devait recevoir (…) je pense que c’était un dealeur. » Mohcine, qui prétend avoir dormi à l’arrière depuis le départ de Cély jusqu’à l’accident, confirme néanmoins qu’une livraison de drogue était prévue dans la soirée à la maison de Pierre Palmade.
Ce dernier va d’ailleurs reconnaître cette commande devant les policiers : « Effectivement, à Cély, nous n’avions que les restes de consommation. Et comme on se sentait bien pour continuer, j’ai appelé un contact sur Paris qui a accepté de me livrer des stupéfiants. » Est-ce pour cette raison que l’humoriste conduit vite sur la route l’emmenant au centre commercial afin de faire un rapide aller-retour ? Est-ce la réception du SMS qui provoque l’embardée ?
Pierre Palmade est incapable de répondre avec précision à ces questions. Lorsqu’il est entendu par les policiers, ses souvenirs s’arrêtent au portail de sa maison pour reprendre en réanimation au centre hospitalier du Kremlin-Bicêtre. Seul Malik a quelques souvenirs. S’il affirme que la réception du SMS n’est pas, selon lui, la cause de l’accident, il maintient que Pierre Palmade n’était de toute façon « pas en état de conduire ».
À 18h45, en pleine ligne droite, la Peugeot 3008 se déporte sur la gauche et vient percuter un break Renault Mégane. Le choc est terriblement violent. Malik et Mohcine sont indemnes et sortent rapidement de la voiture, tandis que Pierre Palmade reste coincé au volant. Des témoins arrivent. Si Mohcine affirme être encore dans les vapes — « Je ne voyais que du noir et j’avais des bourdonnements dans les oreilles » —, Malik, lui, semble avoir tous ses esprits.
La fuite des passagers le long de la départementale
Il affirme s’être rapproché de l’autre voiture, « j’ai entendu une dame crier qu’il lui manquait un enfant et je l’ai aidée à chercher ». Une aide rapide. Surtout, de l’aveu même de Mohcine, Malik ne tient pas à traîner sur place : « Son but était absolument de partir des lieux de l’accident pour se diriger chez Pierre Palmade, récupérer les affaires et retourner sur Paris. »
À cet instant, Malik échange quelques mots avec l’humoriste avant l’arrivée des secours. C’est là qu’il aurait demandé à ses deux amis de quitter les lieux, confiant même un jeu de clés à Malik qui se retrouve aussi avec le téléphone portable de Pierre Palmade dans la poche. Dans l’obscurité et la confusion, Malik et Mohcine s’enfuient le long de la départementale. Ils croisent le premier véhicule de pompiers qui arrive sur les lieux. La même caméra de vidéosurveillance qui avait filmé la 3008 devant une station-service quelques minutes plus tôt fixe cette fois-ci les deux hommes qui pressent le pas dans l’autre sens.
PODCAST. Accident causé par Pierre Palmade : récit d’une affaire hors-norme
À 20 heures, d’autres caméras, celles qui équipent la maison de Pierre Palmade, filment l’arrivée du duo devant le n° 7 de la rue de la Charbonnière. Malik essaie d’ouvrir le portail avec les clés fournies, mais ce ne sont apparemment pas les bonnes. Alors, il escalade le portail et pénètre dans la cour, suivi par Mohcine. La maison, elle, n’étant pas fermée, les deux hommes entrent. Pendant environ trente minutes, ils s’affairent à l’intérieur, au rez-de-chaussée et à l’étage, ramassent des objets, remplissent des sacs.
Malik utilise aussi le portable de Pierre Palmade pour commander un taxi afin de rentrer sur Paris. Il aurait trouvé le temps de se faire une dernière injection de 3MMC selon Mohcine qui, de son côté, repartira avec une fiole contenant un fond de GHB. Ce curieux manège est lui aussi immortalisé par le système de vidéosurveillance existant dans la maison de Cély.
Ce théâtre d’ombres s’achève peu avant 20h30 lorsque les deux hommes grimpent à l’arrière d’un taxi, direction Paris. Aux policiers, le chauffeur confirmera cette course avec deux passagers qui chuchotent à l’arrière, l’un ne quittant pas ses lunettes de soleil et l’autre insistant pour que son sac ne soit pas mis dans le coffre. Mohcine est déposé boulevard de Sébastopol, et Malik dans le XVIIIe.
Dans sa demeure, des traces de sang preuve de multiples injections
Alors que la nouvelle fait l’effet d’une bombe sur les sites d’information et les réseaux sociaux, la demeure de Cély a retrouvé un calme apparent. Seul le portable de Pierre Palmade vibre sur la table de la cuisine, abandonné là. Des messages d’inquiétude provenant de son ami François Rollin ou du chanteur Patxi.
Après le premier « ménage » effectué par Malik et Mohcine le vendredi soir, c’est au tour de l’employée de maison de Pierre Palmade de venir sur les lieux. Au courant de l’accident survenu la veille au soir, cette femme de confiance de l’artiste, qui vit à 10 minutes de Cély, arrive peu après 7 heures du matin le samedi : « Je me suis dit qu’il avait peut-être laissé son portail ouvert et la porte d’entrée aussi », explique-t-elle aux policiers. Sur place, personne, même si les lumières sont toujours allumées. « Il y avait une ambiance particulière dans la maison », avance-t-elle devant les policiers. Elle affirme qu’elle n’a « pas fait le ménage » : « J’ai juste rassemblé des affaires dans la chambre des invités. »
Elle a vu aussi toutes les traces de sang sur le sol, ces gouttelettes provenant des nombreuses injections de drogue datant de la veille. Il y en a sur les tomettes de la salle à manger, dans les chambres, sur un peignoir, sur un rideau, sur le carrelage de la salle de bains. La fidèle et discrète employée laissera échapper devant les enquêteurs : « Il arrive parfois que l’état de la maison soit bien pire. C’est déjà arrivé qu’il y ait du sang et bien plus que samedi matin. Je nettoie et je ne pose pas de questions. »
Lorsque, quelques heures plus tard, les gendarmes puis les policiers arrivent pour la perquisition, il reste encore quelques traces de la journée de « défonce » de la veille. Dans les conteneurs poubelles alignés dans la cour près de l’entrée, ils saisissent des dizaines de seringues, des fioles et des coupelles. Comme les stigmates de la descente aux enfers de Pierre Palmade.