Pokémon, Magic, Panini… La maison de vente aux enchères … – Le Parisien

Pour beaucoup, elles sont synonymes de souvenirs émus. Pour d’autres, toujours plus nombreux, elles sont l’espoir de profits colossaux. Face à l’explosion du marché des cartes de collection, la maison de vente Aguttes, basée à Neuilly-sur-Seine, vient de créer un nouveau département dédié, son quinzième. Les cartes Pokémon, Magic, Panini rejoignent ainsi l’art contemporain, les bijoux, les livres anciens ou les automobiles dans les prestations de cette maison adeptes de ventes originales ou spectaculaires. En novembre dernier, la maison Aguttes vendait le premier Soulages, quelques jours après la mort de l’artiste.
« Nous sommes la première maison indépendante et restons à taille humaine », insiste Maximilien Aguttes, directeur du développement et chef du nouveau département. « Chacun est composé d’experts et de passionnés. » En décembre 2021, Aguttes avait mis un pied dans les nouvelles technologies en vendant le premier SMS. Un joli coup, mais un marché encore trop jeune pour y consacrer un service dédié. En revanche, plusieurs ventes avaient prouvé que les cartes de collection avaient un vrai avenir.
Tout est né de la rencontre entre la maison de vente et François Thierry, expert en géopolitique et chef d’entreprise féru de cartes. Celui-ci, désireux de professionnaliser sa passion, contacte la maison Aguttes qui finit par le recruter. « Je collectionne les cartes depuis bientôt trente ans », indique le tout juste quadra. « J’ai commencé par les cartes de baskets, les cartes Magic, les Pokémon… »
Authentification high-tech indispensable
Il écume alors les Bourses d’échange, comme celle de la fac de Jussieu. Rien à voir cependant avec ce qu’il se passe aux États-Unis où le marché se structure. Il en achète 100 dollars outre-Atlantique et les revend le triple en France. Aujourd’hui, sa collection compte « plus de 10 000 pièces, même si toutes n’ont pas de valeur marchande. »
Avec l’essor d’Internet, les « market place » se généralisent, mais elles montrent vite leurs limites. « Elles permettent la mise en contact entre les vendeurs et les acheteurs », explique Maximilien Aguttes. « Le problème est le même qu’avec des sites marchands entre particuliers : plus l’objet a de valeur, plus il y a de risques d’arnaques et de rater de belles opportunités. D’où l’intérêt de passer par des professionnels. »
En 2018, François Thierry a justement créé sa société MTG Grade qui certifie et authentifie les cartes de collection. En cinq ans, il en a traité quelque 30 000. Tout a son importance : de la date d’émission à la plus petite rayure scrutée à la loupe, en passant par le liseré quasi invisible et la moindre tache. Passée sous différents types de lumières, chaque carte reçoit une note, un certificat. Elle est ensuite enfermée dans une boîte en plastique scellée par ultrasons.
« Le même phénomène que pour les bandes dessinées »
« La valeur dépend aussi du nombre d’exemplaires en circulation, de sa date d’émission, etc. Une Magic Black Lotus vendue 100 euros à sa sortie en 1993, en valait 1 000 euros quelques années plus tard, et désormais, 150 000 à un million d’euros aujourd’hui. Il n’en existe que 1 000 dans le monde entier. C’est le même phénomène que pour les BD, dont certaines coûtent des fortunes », ajoute François Thierry.
En multipliant les éditions collectors ces dernières années, les éditeurs ont eux-mêmes alimenté ce marché de la première puis de la seconde main. « Une carte Mbappé sortie à un seul exemplaire il y a trois mois vaut déjà de 5 000 à 10 000 euros », illustre le spécialiste. Le commerce en ligne a de son côté boosté le marché de la « carte exclusive ». La crise sanitaire, avec le premier confinement, a fini de « faire exploser le marché ».
Le 15e département d’Aguttes fonctionnera grâce au réseau de leur nouvelle recrue, au bouche à oreille et à l’énorme travail de préparation avant une vente (le sourcing). À l’œuvre sur le catalogue, François Thierry et Maximilien Aguttes veulent « proposer 120 lots que l’on ne trouve pas ailleurs ».
La vente du 18 octobre proposera ainsi une boîte scellée de cartes Pokémon datant de 1999. Personne n’a encore jamais ouvert cette pièce estimée à 50 000 euros renfermant plusieurs cartes, dont la n° 4/102, un « Dracaufeu » qui vaut plus de 10 000 euros. Autre morceau de choix, une carte Fortnite éditée à trois exemplaires. Les amateurs de foot guetteront l’album Panini du Mondial de 1974, un exemplaire unique au monde, complet et encore inviolé coté à quelque 14 000 euros…
De l’aveu de François Thierry, parmi les potentiels clients, on « compte davantage d’investisseurs que de passionnés ». De quoi mettre quelque peu à mal la magie de ces objets. « La surprise peut venir de nos autres clients, les habitués des ventes d’art par exemple, qui peuvent craquer sur une carte par coup de cœur », estime Maximilien Aguttes.
À la différence d’autres branches du petit monde des collectionneurs, les cartes sont un monde fait de communautés : les fans de Magic, de Pokémon, de Fortnite, de cartes sportives, etc. De plus, une carte Magic britannique aura plus de valeur qu’une Française et – à l’inverse – une Pikachu rédigée dans la langue de Rabelais écrasera la concurrence ! Aguttes devrait organiser, comme pour ses autres départements, deux à trois ventes de cartes et plusieurs événements destinés à ces communautés chaque année.
Le record : 12,6 millions de dollars
Mickey Mantle ne valait pas 3 milliards, mais seulement 12,6 millions ! C’est le prix auquel une carte à l’effigie de ce joueur de base-ball qui a joué pendant dix-sept ans pour les Yankees de New York a été vendue par la maison texane Heritage Auctions. Elle est le souvenir de sport le plus cher, loin devant les 9,3 millions de dollars établis pour le maillot porté par Diego Maradona en sélection nationale. Éditée en 1952, la carte miracle avait été achetée en 1991 pour 50 000 dollars et mise à l’abri trente ans avant d’être confiée à la maison de vente.