Niger : les évêques s’alarment d’un risque d’escalade – FSSPX.Actualités

L’ultimatum lancé par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à la junte militaire putschiste pour qu’elle rende le pouvoir au gouvernement civil légitime confisqué le 26 juillet 2023, suscite les craintes des évêques de la région devant un risque d’escalade qui pourrait transformer le pays en une « deuxième Libye ».
Les évêques catholiques d’Afrique de l’Ouest, qui rassemblent les représentants de seize conférences épiscopales, ont publié, le 8 août dernier, un communiqué mettant en garde contre une intervention armée au Niger : « nous affirmons et insistons auprès de la CEDEAO et de l’Union Africaine, pour dire que toute intervention militaire au Niger à l’heure actuelle, compliquerait davantage la situation des populations dans la région, sans apporter de solution », déclarent notamment les prélats africains.
Pour eux, « le terrorisme [islamiste] a déjà apporté avec lui son lot macabre de veuves, d’orphelins, de déplacés, d’affamés », et les populations « n’attendent pas que les Institutions régionales et africaines viennent alourdir ce bilan ».
Une intervention dans le cadre de la CEDEAO risquerait de ressusciter, selon le communiqué épiscopal, « le cas de la Libye », qui « demeure un exemple tragique des conséquences désastreuses sur la vie, la dignité et l’avenir des populations ». On se souvient comment la déstabilisation de la Libye par l’intervention militaire en 2011, avait précipité le pays dans le chaos et donné un nouveau souffle aux milices djihadistes.
Les évêques d’Afrique restent prudents, se gardant de condamner le coup d’Etat du 26 juillet dernier, car l’armée nigérienne a une longue tradition de coups d’Etat militaires. Ainsi, la veille de son investiture, le président Mohamed Bazoum, qui vient de faire les frais du dernier putsch, avait échappé à une tentative de renversement ; et tout récemment, une autre tentative aurait été déjouée alors que le chef de l’Etat se trouvait en Turquie.
« L’armée est un acteur politique à part entière, et le système politique paraît de moins en moins sensible aux demandes de la population : le parti au pouvoir [avant le putsch] – le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) – n’est pas un parti de compromis, mais de domination », explique Rahman Idrissa, enseignant-chercheur à l’université de Leiden (Pays-Bas).
Selon ce dernier, « le PNDS a une part de responsabilité dans le coup d’Etat » qu’il décrit comme un « putsch opportuniste inspiré de ceux qui ont eu lieu au Mali et au Burkina Faso », où ont été exploités le mécontentement de la population nigérienne face à la situation économique et sécuritaire – activités djihadistes dans le sud-ouest et le sud-est – et le ressentiment à l’égard de la France, considérée comme un bouc émissaire pour les maux du pays.
Rahman Idrissa estime qu’à l’heure actuelle « l’influence de Paris et de Washington, qui insistent sur une restauration totale de Bazoum, est néfaste ». Une solution, selon lui, serait de « revenir à une tradition nigérienne : le putsch participe à la réinvention et au renouvellement du processus politique, comme un ordinateur que l’on redémarre ».
Une solution qui ne semble pas non plus écartée par les évêques de la région qui, en conclusion de leur intervention, appellent toutes les parties à « travailler ensemble pour bâtir un avenir de paix et de prospérité pour notre région et l’Afrique tout entière ».
Espérons que les catholiques du Niger ne feront pas les frais des enjeux géopolitiques opposant les grandes puissances économiques et militaires qui ont fait de l’Afrique leur terrain de jeu.