Le Texas milite pour les droits des fœtus… sauf quand il est … – Slate.fr

Depuis l’abrogation du Roe v. Wade en juin 2022, plusieurs États des États-Unis ont promulgué des lois interdisant ou limitant très largement le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). C’est notamment le cas du Texas, particulièrement offensif et réactionnaire sur la question du droit des femmes à disposer de leurs corps, et qui se retrouve aujourd’hui confronté à diverses poursuites contestant la constitutionnalité de ses décisions.
Un procès actuellement en cours sur la responsabilité de l’État dans le décès d’un enfant mort-né a ravivé le débat.
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L’affaire remonte à novembre 2021, lorsqu’une gardienne de prison d’Abilene, Salia Issa, alors enceinte de sept mois, est prise pendant son service d’intenses douleurs qu’elle pense être des contractions. Ses supérieurs lui interdisent de quitter son poste pour se rendre à l’hôpital tant qu’elle ne peut pas se faire remplacer, et ce n’est que deux heures et demie après le début des douleurs qu’elle est autorisée à quitter la prison, et se rend dans un hôpital proche. Transférée au service d’urgences chirurgicales après que les médecins ont été incapables de trouver un rythme cardiaque fœtal, elle finit par accoucher d’un bébé mort-né, sa prise en charge médicale ayant été trop tardive.
Dans un procès intenté avec son mari au département de la justice pénale du Texas et à trois de ses supérieurs, Salia Issa cherche à faire reconnaître la responsabilité de l’État dans la mort de leur enfant, faisant valoir que si elle avait pu se rendre à l’hôpital plus tôt, le bébé aurait survécu. Le couple demande à être indemnisé pour les frais médicaux et funéraires, ainsi que pour les souffrances endurées.
Dilemme cornélien pour les pro-life
Or la défense opposée par l’agence pénitentiaire et le bureau du procureur général du Texas consiste à faire valoir qu’il n’est pas certain que le fœtus ait des droits en tant que personne, ce qui va à l’encontre de la législation texane selon laquelle les «enfants à naître» («unborn children») doivent être reconnus comme des personnes dès la fécondation.
Le procureur général du Texas Benjamin Dower estime ainsi que «ce n’est pas parce que plusieurs lois définissent un individu comme incluant un enfant à naître que le XIVe amendement fait de même», faisant référence au droit constitutionnel à l’égalité de protection accordé aux citoyens américains. Il compte également faire valoir le fait que la mortinaissance du nourrisson soit survenue sept mois avant que la Cour suprême des États-Unis ne se prononce sur l’abrogation du Roe v Wade.
Pour l’historienne du droit Marie Ziegler, l’État texan met un but contre son camp en refusant d’engager sa responsabilité dans cette affaire plutôt que de saisir l’occasion pour affirmer que le Texas serait exemplaire vis-à-vis des droits prêtés aux «enfants à naître»: «Cela semble un peu étrange que l’État dise: “Nous avons passé des décennies à dire que Roe v. Wade était une horrible violation des droits humains; mais en 2021, cette violation des droits humains nous a permis de ne pas accorder d’assistance à cette employée”», a-t-elle déclaré.
La juge magistrate Susan Hightower a déclaré début août 2023 que le tribunal devrait rejeter les demandes relatives au droit à la vie et à l’intégrité corporelle de l’enfant à naître, sans toutefois se prononcer sur la question de savoir si un fœtus devait être considéré comme une personne bénéficiant de droits.