Divertissement

Madagascar : un cocktail à Tana avec chef Lalaina – Jeune Afrique


C’est jour de fête à Antananarivo. Pour célébrer l’ouverture des nouveaux espaces de sa fondation d’art contemporain, le patron d’Axian, Hassanein Hiridjee, a organisé un important cocktail de vernissage. Dans les jardins attenants aux salles d’exposition, où sont présentées les œuvres de Madame Zo, se pressent des invités venus de Madagascar et du monde entier. On peut croiser ici la créatrice de la foire d’art contemporain 1-54, Touria El Glaoui, là l’homme d’affaires Lionel Zinsou, un peu plus loin le célèbre photographe malgache Pierrot Men, des galeristes, des artistes, des journalistes. On rit, on parle fort, on se congratule, on ne boit pas seulement de l’eau et on se délecte des délicieux amuse-bouche élégamment présentés qui fondent sur la langue.

Parmi tous les serveurs s’agitant d’une table à l’autre, en voici un qui propose de sublimes raviolis à la crème de truffe… Serait-ce lui, le chef Lalaina, qui dirige le restaurant Le Marais et avec lequel rendez-vous fut pris quelques jours auparavant ? Oui, c’est bien lui. Et, pas de problème, il va s’accorder une petite pause pour une rapide interview.

Madeleines cuites au fatapera

Le chef Herilalaina Ravelomanana prépare un plat à base de caviar au restaurant du Marais à Antananarivo, en 2019. © REUTERS/Baz Ratner

Quelques minutes plus tard – le temps de prévenir l’équipe à pied d’œuvre –, chef Lalaina répond avec sourire et enthousiasme aux questions, tout en grillant une cigarette. La solennité du cocktail et le stress de l’organisation ne semblent pas avoir de prise sur lui. Il est dans son élément, et tout a été préparé à l’avance, il ne devrait pas y avoir de couac.

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« Je suis très discipliné, confie l’homme né le 5 juillet 1975 à Tana. Cela me vient de mon père, qui était très dur. Jusqu’au bac, je n’ai jamais fait l’école buissonnière et j’ai toujours été bon élève. Quand nous étions petits, avec mes deux sœurs et mon frère, nous devions tous les jours préparer le petit déjeuner, chacun son tour. Et moi, j’étais toujours à traîner en cuisine à côté de ma mère. »

J’ai deux maîtres-mots, discipline et organisation

À peine âgé d’une douzaine d’années, Herilalaina Ravelomanana se lance dans ses premières compositions avec une véritable âme d’entrepreneur. « J’ai commencé par récupérer des capsules de bière, que j’ai brûlées pour en faire disparaître les colorants et que j’ai ensuite remplies avec de la pâte à madeleines, se souvient-il. Je les ai fait cuire sur un fatapera, le réchaud à charbon traditionnel de Madagascar. Ensuite, j’ai placé les petits gâteaux dans un sachet, avec pour décoration des photos tirées d’un magazine de cuisine, et je les ai proposés à mes camarades lors des excursions… »

« J’ai dû le cacher à mes parents »

La voie était-elle déjà toute tracée vers les cuisines ? Non. « Le métier de cuisinier n’était alors pas considéré, dit-il. C’était pour ceux qui n’avaient pas réussi leurs études… » Du coup, après son baccalauréat, Lalaina étudie le droit et l’informatique à l’Université. « Je rêvais d’être architecte, mais je n’ai pas poursuivi, raconte-t-il. Je faisais des petits boulots pour gagner de l’argent et je suis entré en apprentissage dans un hôtel-restaurant. J’ai dû le cacher à mes parents, qui voulaient que je sois docteur. C’était à l’Arotel d’Antsirabé. J’y ai pris goût et je suis resté ! »

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Au Tana Plaza, qu’il rejoint ensuite, il fait la connaissance de Philippe Gourio, « qui restera toujours [son] maître ». Avec lui, il apprend à la dure et retient la leçon : « Aujourd’hui, j’ai deux maîtres-mots, discipline et organisation. » Et d’ajouter : « Dans la restauration, il ne s’agit pas juste de montrer que tu sais bien cuisiner. »

Caviar, vanille et cacao

Le chef Herilalaina Ravelomanana prépare un plat à base de caviar au restaurant du Marais à Antananarivo, en 2019. © REUTERS/Baz Ratner

Le chef Herilalaina Ravelomanana prépare un plat à base de caviar au restaurant du Marais à Antananarivo, en 2019. © REUTERS/Baz Ratner

En 2017, Lalaina rencontre Delphyne et Christophe Dabezies, un couple d’entrepreneurs français qui, avec Alexandre Guerrier, dirige la maison de confection Akanjo (prêt à porter de luxe et haute couture) et développe la production de caviar à Madagascar (marques Rova et Kasnodar). À l’époque, le cuisinier travaille en free-lance et loue ses services pour des dîners privés. « Ils m’ont dit : ‘on sera là pour donner un coup de main’, se souvient-il. Et ils ont réalisé mon rêve de restaurant. » Avec l’aide financière des Français, Le Marais ouvre en mai 2019. Un an avant la pandémie de Covid-19.

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes rêvent d’être chef grâce à lui

« Nous sommes restés présents tout le temps, nous n’avons jamais mis personne au chômage », souligne le chef, qui emploie aujourd’hui une trentaine de personnes, pour une capacité de 40 à 50 couverts, du mardi au samedi. La plupart sont des débutants dans le métier. « Pour 80 % d’entre eux, ce sont de premières expériences, des jeunes qui n’ont pas encore pris de mauvaises habitudes, explique le chef avec bienveillance. Parfois, ils veulent partir à l’étranger, moi je les pousse à rester au pays. »

Fier de dire qu’aujourd’hui « beaucoup de jeunes rêvent d’être chef grâce à [lui] », Lalaina entend bien transmettre son savoir à Madagascar. En janvier 2023, il a emmené une équipe à la coupe du monde des traiteurs (International Catering Cup 2023 organisée à Lyon, en France), qui a fini en quatrième position. Lui-même, bardé de prix, est très demandé. « J’ai des dizaines de propositions à l’étranger, alors pourquoi rester ? Parce que j’adore mon pays et parce que j’adore y travailler. Et puis je peux toujours voyager : dans quelques jours, j’irai rejoindre des chefs africains pour le Fesma [Festival La Marmite], au Togo. »

Brède, truffe, morille

Ambassadeur des produits locaux, comme le cacao, la vanille ou le caviar de ses amis Dabezies, il ne méprise ni les produits populaires, comme la brède mafane (connue aussi sous le nom de cresson du Parà), ni les classiques de la cuisine française que sont la truffe, la noix de Saint-Jacques ou la morille. Il a tout de même un interdit personnel : « Je ne mange pas de mayonnaise ! » Nul n’est parfait.

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Quand on veut proposer ce genre de cuisine avec ce type de produits, difficile de favoriser la « filière courte ». « Ce n’est pas toujours possible, car il y a une demande des clients malgaches pour une forme de gastronomie internationale. Mais 90 % des produits que j’utilise sont malgaches et je travaille en fonction des saisons. Par ailleurs, nous avons mis en place un potager d’un hectare, qui est géré par Jean-Michel Taillois, avec plusieurs jardiniers malgaches. »

Zébu assorti de crustacés, agrumes et caviar

Au Marais, il sera possible d’attaquer le repas avec des œufs parfaits à la crème de brède mafane, des chips de filet de canard ou un nid d’algues croustillantes. À moins que l’on ne penche pour la bouchée feuilletée de poulpe à la vanille. En plat de résistance, ce pourra être le filet de zébu avec café, manioc et poivre noir (48 000 ariary [MGA], soit environ 9,50 euros), la caille au bacon, accompagnée de flageolets et olives noires (51 000 MGA), les variations autour du foie gras (51 000 MGA), le poulpe avec aubergine, poireau et vanille (51 000 MGA) ou encore le zébu assorti de crustacés, agrumes et caviar, un peu plus cher (195 000 MGA).

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Le menu « confiance » en six services, avec trois verres de vin différents, est à 360 000 MGA (72 euros). « La carte change tous les mois, et nous proposons 5 à 6 nouveaux plats par semaines. Sur l’année, nous alignons quelque 350 mises en bouche différentes. »

400 recettes

Dans ce contexte, pas étonnant que le plus dur soit « la vie de famille ». Père de quatre enfants, chef Lalaina n’a pas vu grandir les deux premiers, mais il entend bien profiter des deux plus petits. Même si d’autres activités l’occupent parfois loin des fourneaux : ancien danseur de la compagnie Rary, Herilalaina Ravelomanana officie également en tant que DJ lors de soirées électro. Il s’essaie aussi à la peinture abstraite – « Je fais des peintures avec des produits que j’utilise en cuisine, et je pense les exposer un jour. » – et, sans doute, les fiches techniques qu’il accumule lui serviront-elles dans quelque temps pour composer un livre de 400 recettes.

Mais, pour l’heure, il est temps de mettre la main à la pâte et de retourner à la fête. « Mon métier est un éternel apprentissage, mon seul concurrent, c’est moi-même. J’essaie toujours de me remettre en question », conclue-t-il avec un large sourire.



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Hugo Dupuis

Dans un monde peint de nuances d'encre et d'imagination, je suis Hugo Dupuis, un Spécialiste du Blogging, en équilibre à la croisée de l'exploration et de l'expression. Avec les salles de l'Institut Catholique de Toulouse comme ma creuset créatif, j'ai forgé un chemin où les mots deviennent des fenêtres ouvertes sur des contrées indomptées. Du plateau géopolitique à la délicate tapisserie de la nature, de l'arène rugissante aux couloirs secrets du divertissement, mon clavier danse au rythme des histoires en attente d'être racontées. La transparence est mon étoile guide, illuminant chaque récit de la brillance de l'authenticité. Alors, entrez dans ce royaume d'encre et d'idées, alors que nous nous embarquons ensemble dans un voyage à travers le labyrinthe de la politique mondiale, la symphonie de l'environnement, le frisson du sport et l'énigme du showbiz.

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