Interview. Afghanistan : « On assiste à une consolidation du pouvoir … – Est Républicain

Karim Pakzad, chercheur associé à l’Iris. Photo DR
Quelle est la situation politique en Afghanistan deux ans après le retour des talibans ?
« On assiste à une consolidation du pouvoir des talibans. Ils ont mis fin à la guerre et aux attentats suicides et ils montrent qu’ils contrôlent la situation sécuritaire. Daech est très affaibli. Les talibans avaient aussi une base populaire pour mettre en échec la puissance américaine, chez les pashtouns notamment. Tout est ethnique en Afghanistan. »
La crise économique et sociale est-elle profonde ?
« Il n’y a pas eu d’effondrement économique. La Banque mondiale a même envoyé des fleurs aux talibans et l’inflation a baissé. Ils se distinguent de l’ancien régime qui était très corrompu. Depuis le début de l’année, les États-Unis envoient en Afghanistan une partie des avoirs afghans bloqués dans les banques américaines pour aider les Nations unies sur le plan humanitaire. Sans eux, il y aurait une famine massive. La situation économique est cependant désastreuse dans les villes, où les femmes commençaient à avoir une indépendance économique. Une partie de la classe moyenne est devenue pauvre. À cela s’ajoute la sécheresse dans les campagnes. »
Tout le monde est d’accord : il faut composer avec les talibans, mais comment ?
Faut-il parler aux talibans en espérant qu’ils fassent des concessions ?
« Il y a des désaccords parfois importants ente les talibans malgré une unité d’apparence. Le pouvoir réel se trouve à Kandahar avec à sa tête le mollah Haibatullah Akhundzada, un religieux extrémiste qui ne voit pas plus loin que le Coran. Au gouvernement à Kaboul, certains dirigeants ne sont pas d’accord avec la politique actuelle. Des ministres ont pris position pour l’éducation des femmes. Il y a des divergences et c’est pourquoi les Américains sont conscients qu’il faut d’une manière ou d’une autre revenir dans le jeu afghan. Il faut exploiter les fissures. Mais je ne suis pas optimiste car l’Iran, la Chine, la Russie ou le Qatar ont aujourd’hui plus d’influence que les États-Unis. »
Il n’y a pas d’opposition interne ?
« Il y a eu au début un foyer de résistance mais Ahmed Massoud, le fils du commandant Massoud, reconnaît qu’aucun pays ne veut aider ses milliers de combattants. Tout le monde est d’accord : il faut composer avec les talibans, mais comment ? »
Les talibans peuvent-ils au moins revendiquer l’éradication de l’opium ?
« Ils ont interdit la culture du pavot et sont sérieux. Le mollah Omar avait réussi à totalement éradiquer le pavot en 1999. La conséquence c’est un appauvrissement des paysans. Les réussites des talibans sont la conséquence des échecs de l’ancien régime. L’exil continue mais on commence à assister à un mouvement inverse. Des Afghans, y compris des femmes pashtouns, rentrent en disant qu’il faut donner leur chance aux talibans. »