Pour l’Aiglonne Jade Mongiat, « l’arbitrage c’est comme du théâtre … – actu.fr

Actuellement, la coupe du Monde féminine alimente l’actualité du football mondial. Même si elle la regarde avec passion, ce n’est pas dans le football que Jade Mongiat excelle. Enfin… si, un peu quand même.
Joueuse pendant de nombreuses années au FCPA à L’Aigle (Orne), la jeune femme de 20 ans s’est rapidement tournée vers l’arbitrage au gré des opportunités et est aujourd’hui une arbitre officielle en deuxième division féminine à seulement 20 ans.
Une ascension qui prend du temps, mais que la jeune aiglonne – fille de Dominique Mongiat, ancien président et figure du FCPA – prend très au sérieux. Au point même d’espérer, au plus profond de ses rêves, atteindre la trajectoire de Stéphanie Frappart, pionnière des arbitres féminines en France, qui a d’ailleurs arbitré la dernière coupe du Monde masculine au Qatar.
L’arbitrage, une passion et des rêves
À ses débuts, c’est bien en tant que joueuse que Jade a commencé le football. Un père investi et passionné de football inculque cette passion à sa fille qui parcourt les terrains jusqu’à ses 14 ans. « Lorsqu’on est une fille, à 15 ans, la mixité n’est plus possible au football. J’adorais jouer avec les garçons, mais je ne pouvais plus le faire. C’est à ce moment-là que j’ai découvert l’arbitrage. Aujourd’hui je ne m’entraîne plus sur le terrain, mais sur la piste. »
Alors, l’arbitrage devient son nouveau sport et sa nouvelle passion. « J’ai adoré ça, c’était en quelque sorte voir le sport autrement. »
Sous l’impulsion de Mikaël Lesage, que l’on pourrait aisément qualifier de mentor, Jade passe le concours pour entrer au Pôle Sport d’Avranches au Lycée Émile Littré. Finalement acceptée, l’arbitrage devient, pour Jade, « quelque chose de sérieux ».
L’aspect psychologique : le nerf de la guerre
Des « joueurs pollueurs », Jade en croise souvent. Ces joueurs que l’on pourrait apparenter à des Marco Verratti ou des Luis Suarez, il y en a partout. Une guerre psychologique à laquelle elle se doit d’être préparée. « Tu dois toujours rester calme. Il y a des joueurs des fois qui veulent mettre à bout l’arbitre. » Rester insensible aux provocations, c’est un processus de longue haleine, qui s’acquiert au fil du temps, au fil des expériences. « Ça m’est déjà arrivé de perdre mon match face à des joueurs pollueurs. Mais, on apprend à chaque fois. L’arbitrage, c’est aussi énormément de remise en question. »Au-delà de ces joueurs, l’atmosphère autour du terrain peut aussi être compliquée à gérer. Face à cela, Jade s’estime armée et capable de rester dans « sa bulle ». Tandis qu’en D2, elle peut parfois arbitrer devant plusieurs centaines de personnes, l’arbitre s’estime hermétique aux critiques et aux sifflets provenant hors du terrain. « La plupart du temps, tout se passe dans les gestes avec les personnes sur le côté du terrain. Il faut qu’ils voient ma fermeté et comprennent mes décisions. Mais il faut rester hermétique à ce qu’il se passe autour du terrain. Ce qui compte c’est le terrain, le ballon et les joueuses. » Cependant, parfois, certains débordements peuvent arriver. « Une fois, j’ai arbitré un match où il y a eu une bagarre générale. À ce moment-là, on s’écarte, on observe, mais il ne faut surtout pas s’interposer, se mettre en danger. Cela nous permet aussi de prendre du recul et de bien noter les faits pour le rapport de match que l’on envoie ensuite à la ligue. »
Aujourd’hui, Jade est la plus jeune arbitre en D2 féminine. L’objectif, arbitrer au plus haut niveau national. Le rêve, suivre la trajectoire de Stéphanie Frappart. « Elle a arbitré en Coupe du monde, en ligue des champions… Je pense que chaque arbitre rêve de suivre sa trajectoire. »
En attendant, Jade bénéficie de l’aide de la Team L’Aigle avec laquelle elle prend du plaisir à échanger, avec les athlètes, mais aussi avec les jeunes. « J’adore faire des ateliers arbitrages avec les élèves. Que ce soit dans les clubs ou dans les écoles, faire des exercices d’interprétation sur l’arbitrage c’est quelque chose que j’adore faire. »
« Un sport à part entière »
Même si elle ne joue pas sur le terrain avec les joueuses, Jade trouve en l’arbitrage un réel sport, tant les exigences physiques sont sérieuses. Rien que pour le diplôme, elle se doit d’avoir une condition physique suffisante. « À la fin des trois ans de lycée, il faut passer le concours des Jeunes Arbitres fédéraux (JAF) », précise-t-elle. « Il y a un test théorique, sur des situations réelles, et un test physique à Clairefontaine, en juin. Le test physique c’est du fractionné où nous sommes chronométrés. »
Il faut faire 40 fois 75 mètres en moins de 15 »20 secondes avec 20 secondes de récupération entre chaque sprint.
Un test suffisamment long pour simuler des efforts répétés dans des matchs très intenses. « On ne se rend pas compte à quel point un arbitre court sur un terrain ! C’est un sport à part entière. Je m’entraîne tous les jours, même l’été quand les championnats sont arrêtés. »
Ces entraînements intenses et répétés sont un outil indispensable pour la lucidité et la crédibilité de l’arbitre. « Si tu arrives complètement essoufflée devant une joueuse, directement elle va te prendre moins au sérieux », illustre Jade. « Cet entraînement nous permet de poser notre voix dans nos interventions, d’être toujours proches des actions et d’être lucides pour prendre les meilleures décisions. »
Un arbitre est là pour que le spectacle se passe bien, que les acteurs du match soient le mieux armés pour leur match. C’est comme un régisseur qui veille à ce que le spectacle soit le meilleur possible.
Gestuelle, voix, communication… Les aspects à prendre en compte sont nombreux. Un arbitre doit, pour se faire comprendre sur et en dehors du terrain se doit parfois une certaine mise en scène. «Un arbitre se théâtralise sur un terrain. Un arbitre de Ligue 1 me disait : « L’arbitrage, c’est du théâtre. »»
« Une jeunesse pas comme les autres »
Avec seulement la vingtaine passée, l’Aiglonne se retrouve auprès de joueuses professionnelles et ses décisions peuvent parfois avoir de fortes conséquences sur le cours d’un match, voire parfois d’une saison. Consciente de ce poids sur ces épaules, Jade estime que c’est cette pressions – aussi transmise par le public – qui la transcende et lui inculque une certaine maturité supplémentaire.
« Depuis que je suis en seconde, je travaille l’arbitrage après les cours. À Avranches, on avait des cours théoriques et physiques après chaque journée de cours. Quand je rentrais à l’internat, pendant que les autres faisaient autre chose, je travaillais. »

Exemple de détermination, d’envie de réussir, Jade l’est surement, mais ne l’évoque pas plus. Elle estime juste avoir à faire de nombreuses concessions et parfois refuser de passer du temps avec ces amis. Et pourtant, elle ne manque pas de sociabilité. « Parfois, il faut faire des choix pour réussir dans ce que l’on veut faire. Lorsqu’on me demande de sortir, il m’arrive de refuser, car j’ai du retard à rattraper sur mes cours, par exemple. À 20 ans, je n’ai pas l’impression d’avoir une jeunesse comme les autres. »
La misogynie dans le football, encore d’actualité ?
Aujourd’hui, l’arbitrage se féminise, malgré un monde encore très masculin. Stéphanie Frappart, la pionnière des arbitres féminines en France et dans le monde, montre que l’arbitrage peut se féminiser, avec tout autant de professionnalisme et d’autorité qu’un arbitre masculin. Cependant, des réflexion misogynes et déplacées persistent, que ce soit au plus haut niveau ou en D2 féminine avec Jade Mongiat. « Aujourd’hui, on a des femmes compétentes, justes dans l’arbitrage. C’est ça qui fait taire les plus réfractaires. » Face à cela, Jade évoque un problème de société malgré certaines évolutions. « Nous sommes dans une société qui tend à ne plus l’être mais qui reste encore misogyne. On a beau tenter de supprimer les préjugés, il y a toujours des gens qui vont continuer à en faire. Face à cela, il ne faut pas répondre et montrer sa légitimité par le travail sur les terrains. Au mieux ils reviendront sur leur position, au mieux ils ne parleront plus, même s’il y a toujours de la mauvaise foi. » En tout cas, Jade Mongiat possède un caractère bien trempé. Caractère qui lui permet d’être la plus jeune arbitre de deuxième division féminine.
Aujourd’hui, Jade ne s’empêche pas de rêver malgré un réalisme indéniable compte tenu du chemin qu’il reste à parcourir. Mikaël Lesage et Stéphanie Frappart, ses exemples et ses moteurs d’ambition. Parallèlement, comme un clin d’œil à sa passion d’arbitre, Jade poursuit des études de droit à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Un certain rapport avec la législation toujours présent, surement « inconscient », conclut-elle.
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