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Lectures estivales : histoires postales arctiques et antarctiques, dans … – Le Monde


Claude Bachelard, ancien médecin chef du service de santé du territoire des Terres australes et antarctiques françaises (1981-2014) et président du conseil consultatif des TAAF de 2017 à 2021 signe l’éditorial du numéro daté 11-2023 de Terra Nova, la revue du Cercle études postales polaires (CEPP) présidé par Gilles Troispoux, le « must » des publications polaires.

Le Dr Bachelard explique que « la philatélie est une alliée majeure de l’histoire polaire. Elle met en exergue les faits marquants qui ont émaillé les explorations arctiques et antarctiques, l’installation des stations, la recherche scientifique, la vie sur base, l’évolution de ces contrées inhospitalières ainsi que de leur faune et de leur flore ».

Il rappelle sa rencontre avec la philatélie lors de son hivernage aux Kerguelen comme médecin adjoint en 1976, évoque l’évolution de l’histoire des communications – « les échanges très impersonnels de 690 mots hebdomadaires par télex de l’époque » – et l’importance à l’origine du courrier, « vecteur de véritables échanges avec les êtres chers générant lectures et relectures émouvantes ». Tout cela a bien changé avec « l’arrivée des télécommunications satellitaires (…) puis d’Internet ».

Le Dr Claude Bachelard et la préfète des TAAF Evelyne Decorps, préfète administratrice supérieure des TAAF, lors d’un conseil consultatif des TAAF en 2018.

Cependant, et paradoxalement, « le courrier philatélique s’est développé, souvent accompagné par une course aux tampons. Ces derniers étaient utilisés avec parcimonie ou, au contraire, étaient confiés au gérant postal pour une large diffusion ».

Claude Bachelard, par ses fonctions, a pu rencontrer de nombreux collectionneurs : « J’ai eu plaisir à échanger avec eux. J’ai ainsi pris goût aux belles histoires racontées par ces images et aux rêves qu’elles suggéraient (…). J’ai utilisé mes tampons lors de mes missions dans les districts et en tant que chef des opérations à bord du Marion-Dufresne (…). A mon tour, j’ai tenté de valoriser les activités médicales et l’histoire récente du territoire en proposant des sujets de timbres. Pour moi, la philatélie polaire est une conteuse qui fait vivre et rêver des histoires extraordinaires »… Beau préambule à ce numéro de Terra Nova au sommaire riche d’histoires !

Souvenir philatélique roumain pour l’expédition transantarctique de 1989-1990, avec Jean-Louis Etienne.

Avec « Trans-Antarctica 90. Une aventure humaine exceptionnelle », François Bergez raconte la traversée de l’Antarctique d’un océan à l’autre (Atlantique et Pacifique) en passant par le pôle Sud, de fin juillet 1989 à mars 1990, « une expédition jamais réalisée, avec trois attelages regroupant 24 chiens de traîneau ». Le tout illustré de nombreux plis commémoratifs.

Les six membres de l’expédition, parmi lesquels les co-organisateurs Jean-Louis Etienne et l’Américain Will Steger, mirent 219 jours pour parcourir près de 6 400 kilomètres, de Seal Nunataks (« ancienne base argentine désormais désaffectée ») à la base russe de Mirny, via Patriot Hills, la base Amundsen-Scott (base américaine située au pôle Sud géographique) et la station russe Vostok.

Plis souvenir de la trans-antarctica.

« Le 3 mars 1990, sous les applaudissements des techniciens et scientifiques de la base Mirny, mais également en direct à la télévision grâce à une retransmission par satellite, la banderole FINISH marquant le terme de la Trans-Antarctica 90 était franchie. » L’équipe embarque à bord du brise-glace Professor Zubov et rejoint Sidney (Australie) le 19 mars 1990.

Antarctique toujours, mais cette fois avec « la station soviétique Oasis inaugurée le 15 octobre 1956 à l’occasion de l’Année géophysique internationale et fermée le 17 novembre 1958 avant d’être cédée à la Pologne le 23 janvier 1959 ».

Célestin Brisseau et Gilles Troispoux évoquent la brève existence de cette station, d’où peu de courrier, rare donc, fut expédié. La station est inaugurée en présence de Mikhaïl Somov, qui a dirigé la première expédition soviétique antarctique. « Deux hommes restent sur la station (…). Fin janvier 1957, une équipe de sept personnes de la deuxième expédition soviétique antarctique, conduite par Alexeï Treshnikov, prend la relève, sous la direction de G.I. Pashchenko (…) ». Les deux premiers ayant bénéficié d’un timbre-poste russe.

Timbre russe de 2000 à l’effigie de Mikhaïl Somov.

Pour le courrier, la rareté prévaut donc, d’autant qu’il « est transmis et oblitéré à la base Mirny », distante de 370 kilomètres, et qu’Oasis n’a pas de cachet postal propre utilisé sur place. Et qu’il existe des « faux »  !

Timbre russe de 2000 à l’effigie de Alexeï Treshnikov.

Alors, « les courriers les plus rares sont ceux avec des timbres polonais ; sept plis ont été recensés dans notre inventaire », la base « version polonaise » rebaptisée A.B. Dobrowolski n’ayant été que peu utilisée avant d’être rénovée en 2022. Côté russe, une base Oasis « bis » voit le jour tandis qu’en 1986, « les Australiens ouvrent une station d’été, Edgeworth David, à 7,5 kilomètres au nord-ouest de la station Dobrowolski ».

De la Russie, on passe au Japon, dont « la première expédition antarctique se déroula de décembre 1910 à juin 1912 à bord du Kaiman Maru commandé par le lieutenant Nobu Shiraze », auquel un timbre japonais est consacré cinquante ans plus tard, racontent Serge Delsaux et Gilles Troispoux dans un article consacré aux premières expéditions antarctiques japonaises du Soya Maru.

Timbre japonais pour le 50e anniversaire de la première expédition antarctique du Japon.

Ce n’est qu’à partir des années 1950 que les expéditions s’enchaînent réellement, avec le Soya Maru et l’Umikata, qui débarque le 30 janvier 1957 le matériel nécessaire à la construction d’une base, sur l’île Ongul, au large de la côte du prince Harald, dans l’Antarctique de l’est, la base étant baptisée Syowa (et dont témoigne un cachet grand format illustré à l’encre rouge à cette date) . « Le Soya Maru est équipé d’un bureau de poste à bord et la base n’étant pas encore construite, le courrier est alors traité à bord. » Enfin, l’expédition de 1961-1962 est la sixième et dernière pour le navire de ravitaillement Soya Maru, qui marque la fermeture de la base en février 1962 pour quatre ans. Tampons (postaux et non postaux) et plis commémoratifs ne manquent pas de célébrer l’événement.

Pli de la base  japonaise en Antarctique Syowa édité le 30 janvier 1957.

Pour la saison 1965-1966, le Soya Maru sera remplacé par un brise-glace, le Fuji Maru, avant que ce dernier ne soit transformé « en 1979 en musée des sciences marines ».

On passe au « nord » : « Haudegen, la station météo oubliée du Grand Nord », treize pages sous la signature de Célestin Brisseau, renvoie à la fin de l’aventure de la mission météo Haufegen, « la dernière unité de la Wehrmacht de la seconde guerre mondiale à être désarmée par les alliés », au fond d’un fjord du Svalbard, le 4 septembre 1945, soit près de quatre mois après la capitulation allemande.

L’auteur rappelle l’importance à l’époque, de « la guerre météorologique », l’invasion du Danemark et de la Norvège en 1940 donnant aux « Allemands un monopole sur les données météorologiques de l’Arctique ». Ces derniers sont conduits à installer des stations habitées, au Spitzberg et au Groenland. « Trois stations subsistaient le 8 mai 1945, Helhus, Landvik et Haudegen (…). Helhus et Landvik se rendent au navire norvégien Skandfer, les 5 et 6 août 1945. Haudegen sera la dernière à se rendre. » Le tout est illustré de courriers concernant l’installation en 1944 de cette dernière station minutieusement décrite par Célestin Brisseau… qui ne manque pas de décrire l’expédition « historique » organisée en 1985 pour « récupérer les reliques de la station météo », avant qu’une émission de télévision ne lui soit consacrée en 2004, accompagnée de plis commémoratifs. « En 2015, des travaux de restauration ont été entrepris », mais l’accès à la station reste interdit aux visiteurs.

Les Terres australes françaises ne sont pas oubliées, avec un article de Pierre Couesnon sur « la campagne de pêche du Cancalais » et « les premières oblitérations de Saint-Paul et Amsterdam (1948-1949) ». L’historien explique que « bien que le traitement du courrier se soit fait à bord d’un bureau [de poste] embarqué et non à terre, les oblitérations de Saint-Paul et Amsterdam de 1948 sont les premières connues dans les îles australes et plus précisément dans le territoire qui deviendra en août 1955 celui des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ».

« Le Cancalais », timbre des TAAF émis en 1998, dessiné et gravé par René Quillivic.

Il s’agit donc là de marques postales précurseurs, l’activité économique de pêche précédant la volonté géopolitique (l’installation de stations météo)…

Le trois-mâts goélette à moteur Le Cancalais destiné à la pêche de la fausse morue et de la langouste – qui appareille de Tamatave le 21 octobre 1948 – aura à son bord un administrateur des colonies qui « aura pour mission de reconnaître un site pour l’installation d’une station météorologique. Sa seconde mission sera d’ouvrir le bureau de poste de Saint-Paul et Amsterdam prévu » par un arrêté.

D’où l’utilisation d’un timbre à date « St PAUL ET AMSTERDAM/MADAGASCAR/DEPEND AUSTRALES » du 23 décembre 1948 et d’un cachet « REPUBLIQUE FRANÇAISE/GOUVERNEMENT GENERAL DE MADAGASCAR/DEPENDANCES AUSTRALES/SAINT-PAUL ET AMSTERDAM » dont Pierre Couesnon détaille les conditions très particulières d’utilisation, d’autant que la frégate de la marine nationale Tonkinois a rejoint Le Cancalais sur zone. Sans compter les affranchissements « les plus divers, voire les plus fantaisistes » et les oblitérations ultérieures des 25 et 31 décembre 1948 !

Autres sujets traités par Terra Nova :

– « New Island, îles Falkland 1908-1916 », par Odd Galteland. A propos de la station baleinière de New Island, dont il ne reste plus grand-chose aujourd’hui, à part du courrier et des cartes postales…

– « Les chalutiers ukrainiens et russes en escale aux TAAF », par Marc Hammond. De 1974 à 2002, de nombreux chalutiers ont fait escale à Port-aux-Français (Kerguelen) et dans une moindre mesure à Alfred-Faure (Crozet). Quinze pages d’histoire, avec répertoire des bâtiments, illustrations des cachets utilisés et plis témoins.

– « Timbres à date avec bloc horaire dans les districts de Crozet, Kerguelen et Saint-Paul et Amsterdam », par Marc Hoffstetter. En décembre 1966, les TAAF ont mis en place dans ses gérances postales un nouveau timbre à date avec bloc horaire dans les trois districts des îles australes. « Peu adapté à la fréquence des courriers, il fut remplacé, selon les districts, entre décembre 1968 et décembre 1969, par des timbres à date sans indication de l’heure. »

– « Terre Adélie. 5e expédition. Le 21 janvier 1952, une date qui interroge », par Laurent Ricarrère. « Si les dates d’oblitération du courrier de la cinquième expédition en Terre Adélie aux 18 et 23 janvier 1952 sont aujourd’hui bien référencées, la date du 21 janvier apparue pour la première fois lors de ventes sur offres en 1988 puis 1989 et connue à ce jour uniquement sur trois plis philatéliques continue d’apporter son lot d’interrogations et d’hypothèses. »

– « Le lac sous-glaciaire Vostok », par Pierre Thivet… et ses nombreux plis relatifs aux forages et recherches le concernant.

« Terra Nova » n° 11, 106 pages, édité par le Cercle d’études postales polaires (CEPP). Prix de vente : 22 euros (plus frais d’envoi, en fonction de la destination : 6 euros pour la France, 3 euros pour l’étranger). Les commandes sont à adresser à : philatelie.polaire@free.fr. Règlement par chèque bancaire français à l’ordre du Cercle d’études postales polaires. Le paiement par Paypal est possible uniquement pour les étrangers. Dans ce cas, demander les renseignements nécessaires à philatelie.polaire@free.fr.



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Theo Lefevre

Dans le vaste océan du cyberespace, je suis Théo Lefèvre, un Journaliste Web captivé par les histoires qui se tissent à travers les fils numériques. Mon parcours à l'Université Américaine de Paris a façonné ma plume, tandis que mes curiosités se dévoilent à travers la science et la technologie, le monde des affaires, et l'athlétisme. Porté par mon passé de passionné de sport et d'économie, chaque article que je compose est un reflet transparent de mon engagement envers l'authenticité. Joignez-vous à moi pour explorer les méandres de l'innovation scientifique, les intrications du monde des affaires et les défis du terrain d'athlétisme, tout en partageant un voyage honnête et stimulant à travers mes écrits.

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