Secrets de préhistoire : dans les coulisses du docu-fiction « L … – Le Parisien

La suite, vingt ans après. En 2003, Jacques Malaterre fascinait la France entière avec son « Odyssée de l’espèce », qui demeure un record d’audience pour France 3 avec plus de 9 millions de téléspectateurs lors de sa première diffusion et 400 millions au total dans 25 pays. Ce docu-fiction, auquel avait collaboré le paléontologue Yves Coppens, racontait les origines de l’homme, en insistant sur Néandertal, Lucy l’Australopithèque, ou Homo habilis. En 2020, avant la survenue de l’épidémie de Covid-19, Jacques Malaterre s’est décidé à nous en raconter plus sur nos ancêtres préhistoriques, en particulier Homo erectus et Homo sapiens, avec « L’Homme de Pékin : les Derniers Secrets de l’humanité ». Cette fois, Yves Coppens a coécrit le scénario avec le réalisateur. Hélas, décédé l’an dernier, le paléontologue n’aura pas pu voir les images tournées.
Les spectateurs du Festival du film francophone d’Angoulême, où le docu-fiction est présenté en avant-première ce vendredi 25 août — avant une diffusion sur France 2, sans doute en janvier 2024, dans le cadre d’une soirée événementielle — ont eu plus de chance. Coproduit par la France (10.7 Productions) et la Chine, cofinancé par le Groupe LVMH (propriétaire du « Parisien » – « Aujourd’hui en France » ), pour un budget de 6 millions d’euros, le film en met plein la vue et livre une foule d’informations étonnantes.
Ni guerre ni patriarcat à l’époque
On y apprend notamment que nos ancêtres Homo erectus étaient curieux, nomades et avides d’explorations, d’où le fait qu’ils aient beaucoup migré vers l’Asie et la Chine il y a 100 000 ans, avant que Homo sapiens ne découvre l’Amérique il y a un peu moins de 50 000 ans. Autres révélations fascinantes : jusqu’à sept espèces d’hommes ont cohabité à la même période, Homo sapiens demeurant le seul survivant au final. « À la préhistoire, il n’y avait pas de guerres », précise également le narrateur (Nicolas Duvauchelle), tant la préservation de la vie était alors plus importante que le conflit. Et l’on apprend aussi que le patriarcat n’existait pas à cette époque, où homme et femmes, qui pouvaient être cheffes de clans ou chamanes, étaient placés sur un pied d’égalité.
Toutes ces découvertes, et bien d’autres encore, Jacques Malaterre nous les fait vivre à la façon d’un thriller, à travers une fiction tournée en Chine avec des comédiens en pleine nature dans différents sites naturels. À leurs côtés, on affronte le froid, la faim, les voyages harassants, les combats avec des animaux gigantesques et terrifiants comme le tigre à dents de sabre. On découvre aussi le feu, la médecine, l’amour.
Jongler avec la pandémie de Covid-19
Pour parvenir à un tel résultat, Malaterre et ses producteurs ont dû soulever des montagnes. D’abord à travers un long processus d’écriture avec Yves Coppens : « En vingt ans, les techniques scientifiques ont évolué, nous avons appris de nombreuses choses notamment grâce la Chine et aux progrès sur les analyses de l’ADN, détaille le cinéaste, présent à Angoulême avec l’une des comédiennes chinoises du film. Nous avions beaucoup été copiés après l’Odyssée de l’espèce, on s’est dit avec Yves que c’était le bon moment pour continuer… » Une fois le scénario achevé début 2020 et les producteurs trouvés, le réalisateur a monté une équipe en France avec qui il s’apprêtait à tourner dans l’empire du Milieu, quand la pandémie est survenue.
Le film a failli ne pas s’en remettre. « Jacques devait partir avec 40 personnes, et soudain, on ne pouvait plus voyager, se souvient Victor Robert, à la tête de 10.7 Productions. Il a fini par joindre une productrice française installée en Chine qui lui a assuré qu’elle pouvait réunir une équipe sur place. Jacques a obtenu une autorisation pour y aller, et là, je l’ai vu s’envoler seul ! » Il n’était pas au bout de ses peines : « Jacques a dû se plier à une quarantaine stricte de trois semaines à son arrivée. Je n’avais alors aucun moyen de communiquer avec lui. Puis il a dû constituer son équipe et surtout son casting… »
Trois mois de répétitions pour « réveiller l’homme préhistorique en nous »
Pour ce faire, il a usé de tous les moyens possibles, avec l’aide sur place de la production chinoise et, à distance, de Victor Robert — « ils ont été extraordinaires » —, recrutant dans les écoles de cirque et de danse, et choisissant des anonymes dans la rue : « J’avais besoin de gens et de visages vrais ! » Il a finalement bouclé son tournage en six mois — la durée de son visa — « dont plus de trois mois de répétitions pour les comédiens, précise-t-il : il faut ce temps pour réveiller l’homme préhistorique qui sommeille en nous ».
Des deux mois de tournage en pleine nature avec ses 150 comédiens chinois, il garde des souvenirs insensés : « Nous avons filmé dans des conditions parfois très difficiles, passant du froid au chaud, dans des lieux parfois éloignés de 5 000 km. Comme les personnages qu’ils interprétaient, ils ont réellement consommé des insectes, des sauterelles, des foies crus d’animaux. Moi aussi et avant eux, car je voulais montrer l’exemple ! »
De retour à Paris, restait à monter toutes les images tournées et à ajouter celles des animaux en effets spéciaux numériques, mais il y en a assez peu au bout du compte. Car ce qui marque la rétine et le cœur, ce sont ces séquences incroyables de nos ancêtres évoluant dans des sites naturels aussi sublimes qu’hostiles, et réalisant peu à peu des découvertes essentielles pour la survie de l’humanité. Un spectacle grandiose, inoubliable…
« L’homme de Pékin : les Derniers Secrets de l’humanité », de Jacques Malaterre, avec Meng Lin Gong, Rong Rong De… 1h36. Avant-première le 25 août au Festival du film francophone d’Angoulême, diffusion sur France 2 prochainement.