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Comment ChatGPT s’impose dans le monde de l’entreprise – Le Point


Communication, management, organisation du travail… La vie de bureau a été profondément bouleversée par le Covid-19. Le Point vous raconte les nouveaux usages au travail, pour le meilleur comme pour le pire.

Elle n’a même pas un an, et elle a déjà sacrément chamboulé le monde de l’entreprise. Lancée fin 2022, ChatGPT, l’intelligence artificielle générative développée par la firme américaine OpenAI, est devenue en l’espace de quelques mois un outil indispensable pour de nombreux secteurs professionnels. Des banques aux agences de publicité ou de communication, en passant par les cabinets de conseil ou les développeurs Web, ils sont toujours plus nombreux à l’utiliser. En lui donnant des informations suffisamment précises, un salarié peut bénéficier gratuitement et en quelques secondes de modèles de e-mails originaux, de plans de dissertation, d’une traduction de code informatique ou même d’un scénario de publicité.

Ancien chef de projet dans une agence de publicité pour le luxe, Antoine*, 26 ans, a vite senti le bon filon pour la création de campagnes marketing. « J’indiquais à ChatGPT la thématique de notre client, j’ajoutais des précisions pour alterner le ton de mes légendes, poétique ou humoristique, et une fois que j’avais un premier jet, j’ajustais moi-même », explique-t-il. Rapidement, le jeune homme n’a plus pu se passer de cet assistant robotique : « Le travail était validé par le client en peu de temps, on n’avait moins de retours négatifs du client qu’en passant par un rédacteur Web indépendant qui coûte beaucoup plus cher. Résultat, des contrats à 50 000 euros par an étaient réglés en une après-midi au lieu d’un mois. » Un gain de temps pour le salarié, des économies pour l’employeur… sauf que le client n’est pas toujours au courant de l’astuce. « Quand on utilise ChatGPT, le mieux c’est de le garder pour soi, confie Antoine. Parce qu’après, c’est compliqué de justifier une facture aussi élevée. »

À LIRE AUSSI« L’impact de l’intelligence artificielle sera supérieur à celui de l’électricité » Dans l’enseignement, après avoir suscité la panique des professeurs, l’application ChatGPT commence à être utilisée dans certains établissements, comme l’Albert School à Paris, une école supérieure de commerce et data qui a pour ambition de former « les talents de l’économie de demain ». « On pousse nos étudiants à l’utiliser, on a un professeur qui s’en sert pour préparer ses cours, et on a même anticipé en mettant en place des cours de prompt ingénierie [rédacteur d’instructions pour les logiciels, NDLR] », raconte Martin Crégut, directeur de la communication de l’établissement qui consacrera bientôt un master à cette spécialité.

Dans les années à venir, ce type de master devrait se multiplier. Et pour cause : en quelques mois, ChatGPT s’est massivement implanté dans les entreprises. Selon une étude américaine réalisée en février dernier par Resume Builder, 49 % des 1 000 entreprises sondées utilisaient ChatGPT et 30 % prévoyaient de le faire dans les mois à venir. Sur les sites de recherche d’emploi, les postes liés aux IA génératives sont de plus en plus recherchés par les firmes internationales. D’après le PDG de LinkedIn, Ryan Roslansky, le nombre d’offres d’emploi publiées en anglais sur ce réseau et qui mentionnent « GPT » ou « ChatGPT » a été multiplié par 21 depuis novembre dernier.

Netflix a proposé un salaire annuel de 900 000 $ pour un chef de produit dans l’IA

Sur Indeed, le nombre d’offres d’emploi liées à l’IA générative a été multiplié par quatre depuis le début de l’année 2023. Symbole de cette nouvelle frénésie chez les employeurs, Netflix a récemment proposé un salaire annuel de 900 000 $ pour un poste de chef de produit dans l’IA, là où un « prompt ingénieur » ( un expert dans l’utilisation des chatbots IA ) gagne en moyenne 130 000 $ annuels. Une hérésie qui n’a pas manqué de faire gloser un internaute sur LinkedIn : « Comme le but de moteurs conversationnels comme ChatGPT est de rendre l’interface homme-machine aussi transparente que possible, c’est par définition LE métier qui sera autodétruit d’ici quelques mois ! »

Ne pas maîtriser Chat GPT-4, c’est perdre un avantage compétitif certain

En France, les employeurs sont plus mesurés. Excelsior, une société qui accompagne des firmes du CAC 40 dans leur développement numérique s’est fait remarquer en refusant de fournir à ses clients des « prompt ingénieurs ». « C’est comme s’il y a vingt ans, on vous demandait quelqu’un formé pour effectuer des recherches sur Google », s’amuse Stéphane Boukris, son président. Depuis six mois, les cadres de ces grandes entreprises ont pourtant bien saisi ce qui se jouait avec ces IA génératives. « Les plus gros médias et certaines grandes banques françaises sont venus nous voir. On forme les comex du CAC 40 là-dessus, et c’est logique, car ne pas maîtriser Chat GPT-4 [la version payante à 20 $/mois, NDLR], c’est perdre un avantage compétitif certain », ajoute-t-il.

À LIRE AUSSIGrève à Hollywood : en France aussi, le cinéma redoute d’être « esclave de l’IA »

Analyste de données dans un cabinet de conseil spécialisé, Adrien*, 27 ans, estime que ChatGPT lui fait gagner 20 % de productivité au quotidien « en termes de rédaction d’e-mails, de comptes rendus de réunion, ou de traduction de code informatique ». Si l’utilisation de l’IA générative relève encore du secret de polichinelle dans son entreprise, le salarié observe une fracture entre les plus jeunes et les profils séniors. « C’est plus ou moins encouragé car ça nous permet de reporter le temps gagné sur d’autres tâches. En revanche, les séniors l’utilisent peu », note-t-il. Même son de cloche chez Stéphane Boukris : « Les salariés adorent ça, mais chez les dirigeants, il y a une vraie crainte en ce qui concerne la confidentialité des données. Vous révélez à une IA les pires secrets de votre entreprise, imaginez s’il y a une fuite de données, ça peut faire peur. »

Au-delà de son immense potentiel, l’IA générative suscite aussi son lot de critiques en termes de confidentialité des données. En Italie, l’équivalent de la Cnil a bloqué l’utilisation de ChatGPT le 31 mars. Certaines firmes internationales comme Samsung, Amazon, Verizon ou Apple en ont interdit l’utilisation à leurs employés par peur de voir leurs secrets industriels dévoilés au grand jour. Même les collectivités locales, comme la mairie de Montpellier, ont suivi le mouvement en mars dernier. « Ce n’est pas un refus de la technologie, mais une volonté de dire que nous avons pris les mêmes décisions que ces grandes multinationales, explique Manu Reynaud, second adjoint au maire. ChatGPT manque de règles et ne source pas ses informations, c’est un peu comme si on vous donnait l’usage d’un logiciel dont vous n’avez pas le mode d’emploi. »

À LIRE AUSSIDeux plaintes déposées auprès de la Cnil contre ChatGPTAvocat en droit des technologies, Me Henri de la Motte Rouge a reçu ces derniers mois d’innombrables appels d’entreprises voulant sonder les risques liés à l’utilisation de ChatGPT. « Les principales questions qu’on a eues étaient liées à la protection des données, l’anonymisation, et le secret des affaires », rapporte le spécialiste qui estime que les entreprises pourront à moyen terme encadrer l’utilisation de l’IA en interne à travers une charte informatique. Reste encore la question de la propriété intellectuelle, notamment pour les entreprises de presse dont les millions d’articles et reportages alimentent gratuitement la base de données. De là à accuser OpenAI de recel de contrefaçon ? Aux États-Unis, selon la radio NPR, après d’intenses négociations sur les droits d’auteur, le New York Times réfléchirait à engager des poursuites contre la firme américaine.

*Les prénoms ont été modifiés pour protéger l’anonymat des personnes interrogées

  • Retrouvez notre série MON BUREAU SOUS TURBULENCES :

En 100 % télétravail et au soleil : qui sont les « nomades numériques » ?

Flex office : ces salariés qui peinent à trouver leur place

Burn-out, bore-out, quiet quitting : va-t-on si mal au travail ?

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Theo Lefevre

Dans le vaste océan du cyberespace, je suis Théo Lefèvre, un Journaliste Web captivé par les histoires qui se tissent à travers les fils numériques. Mon parcours à l'Université Américaine de Paris a façonné ma plume, tandis que mes curiosités se dévoilent à travers la science et la technologie, le monde des affaires, et l'athlétisme. Porté par mon passé de passionné de sport et d'économie, chaque article que je compose est un reflet transparent de mon engagement envers l'authenticité. Joignez-vous à moi pour explorer les méandres de l'innovation scientifique, les intrications du monde des affaires et les défis du terrain d'athlétisme, tout en partageant un voyage honnête et stimulant à travers mes écrits.

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