« Queer as Folk » ou la révolution gay du petit écran – Le Monde

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« No victims. No martyrs. No role models » (« ni victimes, ni martyrs, ni modèles »). L’accroche de Queer as Folk affiche la couleur : le programme de la série britannique qui débarque sur Channel 4, en février 1999, n’est pas militant, il est radical. Développées par un certain Russell T Davies, scénariste gallois de 36 ans, qui ressuscitera plus tard l’icône de la pop culture Doctor Who, ces « Histoires gay » (sous-titre officiel de la série en France) s’apprêtent à secouer une télévision endormie sur les soap operas et les séries patrimoniales.
Les huit épisodes de Queer as Folk (« queer » est à l’époque un terme péjoratif que la communauté gay ne s’est pas encore tout à fait réapproprié) décrivent un moment-clé de la vie de trois Mancuniens. Stuart (Aidan Gillen, futur Littlefinger de Game of Thrones), pubard aisé, sort en boîte, se drogue et drague à tout-va. Vince (Craig Kelly), son meilleur ami, est plus discret et surtout amoureux de lui. Dans les premières minutes de la série, Stuart s’apprête à dépuceler Nathan (Charlie Hunnam, futur Jax Teller dans Sons of Anarchy), un ado de 15 ans rencontré au repaire gay local. La même nuit, il devient père par l’entremise d’un couple d’amies lesbiennes.
Malgré la densité de son récit, la série tranche alors par son ton joyeux et festif, loin de la gravité qui nimbe habituellement les personnages LGBT à la télévision. « Jusqu’à présent, les personnages gay se contentaient de faire leur coming out à l’écran, se rappelle Sullivan Le Postec, scénariste et créateur de la série Les Engagés. Or, Queer as Folk les met pour la première fois au centre de l’histoire. La série commence même par une scène de sexe, on n’avait jamais vu ça ! » S’il est normal, aujourd’hui, de dénoncer la relation problématique entre Stuart et le jeune Nathan, ce personnage vient, à l’époque, combler l’absence totale de représentation des adolescents gay à la télévision.
Un portrait truculent salué par la critique
Sexe, drogue et nuits endiablées : la série a beau forcer le trait – ce que certains militants LGBT ne manqueront pas de dénoncer –, elle est la première à montrer des personnages gay qui vivent librement, parfois de façon très crue. « Pour un programme filmé à la fin des années 1990, c’était une série assez frontale, estimait Aidan Gillen, en 2015, dans les pages du Guardian. Mais le sexe faisait partie du personnage [de Stuart] et de la dramaturgie, et j’ai toujours vu [Queer as Folk] comme [une série] sur l’empowerment. Ces quinze dernières années, j’ai rencontré beaucoup de gens – hommes et femmes – qui m’ont dit que Queer as Folk leur avait donné confiance. Je suis assez fier de ça. »
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