«Je suis triste et gêné»: des directeurs d’écoles privées ressentent … – Le Journal de Montréal

La féroce compétition pour recruter des enseignants se fait ressentir jusqu’au privé, où des directeurs se disent «gênés» de réussir à embaucher au détriment d’autres écoles, tellement la situation est crève-cœur.
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«Aujourd’hui, la personne qu’on a passée en entrevue, elle a déjà un poste ailleurs. C’est ça, la game», témoigne Jaziel Petrone, directeur général du Collège Saint-Paul, à Varennes.
«Je fais mal à quelqu’un d’autre. C’est atroce pour quelqu’un qui aime l’éducation […] Je suis triste et gêné quand je regarde la situation de mes collègues au public.»
«Tous les enfants au Québec devraient avoir accès à un enseignement de qualité», insiste-t-il.
Le Québec vit actuellement une pénurie de personnel record dans les écoles, avec plus de 8500 enseignants manquants dans le réseau public à quelques jours de la rentrée, a révélé le ministre Bernard Drainville mercredi.
Cette pénurie, les écoles privées la ressentent aussi parce qu’ils recrutent dans le même bassin d’enseignants, bien qu’il n’y ait pas de chiffres pour quantifier leurs besoins.
«Cette année [le recrutement] a été plus difficile que ça ne l’a jamais été», note David Bowles, président de la Fédération des établissements d’enseignement privés (FEEP).
Sur le site d’offres d’emplois de la FEEP, on trouvait encore mercredi une panoplie de postes à pourvoir en français, en math, en sciences, et même comme titulaires au primaire.
Non qualifiés aussi
Au Séminaire de Sherbrooke, on comptera cette année deux enseignants non légalement qualifiés, c’est-à-dire qui n’ont pas de brevet d’enseignement, une solution de plus en plus utilisée dans les écoles publiques, faute de candidats.
Il s’agit toutefois de candidats de choix, qui ont un baccalauréat ou une maîtrise dans les disciplines en question, précise le directeur Jacques Gravel. De plus, ils seront mentorés par des collègues d’expérience.
Au Collège Sainte-Anne de Lachine, on indique avoir recours à moins de 10 enseignants non légalement qualifiés sur plus de 250.
Il faut dire que dans le jeu du recrutement, les écoles privées ont des avantages qui vont bien au-delà de leur clientèle favorisée.
Leurs groupes sont déjà formés dès le printemps. Contrairement aux écoles publiques, elles ne sont pas obligées de former de nouveaux groupes à la dernière minute en raison des nombreux déménagements.
De plus, leur processus d’embauche est moins bureaucratique, plus agile et plus humain, soulignent les directeurs interrogés.
«Pas le goût de m’en vanter»
Aucun établissement n’est toutefois à l’abri des mauvaises surprises. «Dans mon école, il y a une personne qui tombe en congé de maladie. On nous l’a annoncé [mardi]», illustre David Bowles, qui est aussi directeur du Collège Charles-Lemoyne, sur la Rive-Sud de Montréal.
«C’est fragile, on le sent», dit David Lehoux du Collège de Lévis. «Il y a moins de candidats qu’avant.»
Le Collège de Lévis a réussi à pourvoir ses postes pour qu’il n’y ait pas de bris de service la semaine prochaine.
«Mais je n’ai pas le goût de m’en vanter», dit M. Lehoux, qui préfère se «garder une petite gêne» devant l’ampleur de la crise.